Книга: Notions preliminaires Le mot

NOTIONS PRЙLIMINAIRES. LE MOT

CHAPITRE I

1. NOTIONS PRЙLIMINAIRES

§ 1. Objet d'йtude de la lexicologie.

§ 2. Les aspects synchronique et diachronique des йtudes lexicologiques.

§ 3. Le vocabulaire en tant que systиme.

CHAPITRE II

2. LE MOT

§ 1. Le mot — unitй fondamentale de la langue.

§ 2. Le mot (son enveloppe matйrielle) et la notion.

§ 3. La signification en tant que structure.

§ 4. Le sens йtymologique du mot.

§ 5. Caractйristique phonйtique des mots en franзais moderne.

§6. Caractйristique grammaticale du mot en franзais moderne.

§ 7. L'identitй du mot.


CHAPITRE I

NOTIONS PRЙLIMINAIRES

§ 1. Objet d'йtude de la lexicologie. Le terme « lexicologie », de provenance grecque, se. compose de deux racines: « lexic(o)" de « lexikon » qui signifie « lexique » et « log » de « logos » qui veut dire « mot, discours, traitй, йtude ».

En effet, la lexicologie a pour objet d'йtude le vocabulaire ou le lexique d'une langue, autrement dit. l'ensemble des mots et de leurs йquivalents considйrйs dans leur dйveloppement et leurs liens rйciproques dans la langue.

Le vocabulaire constitue une partie intйgrante de la langue. Aucune langue ne peut exister sans mots. C'est d'aprиs la richesse du vocabulaire qu'on juge de la richesse de la langue en entier. De lа dйcoule l'importance des йtudes lexicologiques.

La lexicologie peut кtre historique et descriptive, elle peut кtre orientйe vers une ou plusieurs langues. La lexicologie historique envisage le dйveloppement du vocabulaire d'une langue des origines jusqu'а nos jours, autant dire qu'elle en fait une йtude diachronique. Elle profite largement des donnйes de la linguistique comparйe dont une des tвches est la confrontation des vocables de deux ou plusieurs langues afin d'en йtablir la parentй et la gйnйalogie.

La lexicologie descriptive s'intйresse au vocabulaire d'une langue dans le cadre d'une pйriode dйterminй, elle en fait un tableau synchronique. La lexicologie descriptive bйnйficie des йtudes typologiques qui recherchent non pas а йtablir des gйnйalogies, mais а dйcrire les affinitйs et les diffйrences entre des langues indйpendamment des liens 'de parentй.

Il n'y a guиre de barriиre infranchissable entre la lexicologie descriptive et la lexicologie historique, vu qu'une langue vivante envisagйe а une йpoque dйterminйe ne cesse de se dйvelopper.

Ce cours de lexicologie sera une йtude du vocabulaire du franзais moderne, considйrй comme un phйnomиne dyna mique.

Notons que la lexicologie est une science relativement jeune qui offre au savant un vaste champ d'action avec maintes surprises et., dйcouvertes.

§ 2. Les aspects synchronique et diachronique des йtudes lexicologiques. La langue prise dans son ensemble est caractйrisйe par une grande stabilitй. Pourtant elle ne demeure pas immuable. C'est en premier lieu le vocabulaire qui subit des changements rapides, se dйveloppe, s'enrichit, se perfectionne au cours des siиcles.

La lexicologie du franзais moderne est orientйe vers le fonctionnement actuel des unitйs lexicales en tant, qu'йlйments de la communication. Cependant la nature des faits lexicologiques tels qu'ils nous sont parvenus ne saurait кtre expliquйe uniquement а partir de l'йtat prйsent du vocabulaire. Afin de pйnйtrer plus profondйment les phйnomиnes du vocabulaire franзais d'aujourd'hui, afin d'en rйvйler les tendances actuelles il est nйcessaire de tenir compte des donnйes de la lexicologie historique.

Ainsi, c'est l'histoire de la langue qui nous renseigne sur le rфle des divers moyens de formation dans l'enrichissement du vocabulaire. Une йtude diachronique du vocabulaire nous apprend que certains moyens de formation conservent depuis des siиcles leur vitalitй et leur productivitй (par exemple, la formation des substantifs abstraits а l'aide des suffixes — ation, — (e) ment, — вge, — itй, — ce), d'autres ont acquis depuis peu une importance particuliиre (ainsi, la formation de substantifs avec les suffixes — tron,. — rama), d'autres encore perdent leur ancienne productivitй (telle, la formation des substantifs avec les suffixes — esse, — ice, — ie). f • Les phйnomиnes du franзais moderne tels que la polysйmie, l'homonymie, la synonymie et autres ne peuvent кtre I expliquйs que par le dйveloppement historique du vocabuдaire.

Le vocabulaire de toute langue est excessivement composite. Son renouvellement constant est dы а des facteurs trиs variйs qui ne se laissent pas toujours facilement rйvйler. C'est pourquoi' l'йtude du vocabulaire dans toute la diversitй de ses phйnomиnes prйsente une tвche ardue. Pourtant le vocabulaire n'est point une crйation arbitraire. Malgrй les influences individuelles et accidentelles qu'il peut subir, le vocabulaire d'une langue sa dйveloppe j^rogresslveii^erit selon ses propres lois qui en dйterminent les particularitйs.

L'abondance des homonymes en franзais en comparaison du russe n'est pas fortuite; ce n'est guиre un fait du hasard que; la crйation de mots nouveaux par«le passage d'une catйgorie lexico-grammaticale dans une autre (blanc, adj. — le blanc Ides yeux], subst) soit plus productive en franзais qu'en russe. Ces traits distinctifs du vocabulaire franзais doivent кtre mis en йvidence dans le cours de lexicologie.

Si l'approche diachronique permet d'expliquer l'йtat actuel du vocabulaire, l'approche synchronique aide а rйvйler les facteurs qui en dйterminent le mouvement progressif. En effet, le dйveloppement du vocabulaire se fait а partir de nombreux modиles d'ordre formel ou sйmantique qui Sont autant d'abstractions de rapports diffйrents existant entre les vocables а une йpoque dйterminйe. On pourrait citer l'exemple du suffixe — on tirй rйcemment du mot йlectron et servant а former des termes de physique (positon, hйgaton). L'apparition de ce suffixe est due а l'opposition du mot йlectron aux mots de la mкme famille йlectrique, йlectricitй.

Le suffixe — Ing d'origine anglaise a des chances de s'imposer au franзais du fait qu'il se laisse facilement dйgager d'un grand nombre d'emprunts faits а l'anglais. Tel a йtй le sort de nombreux suffixes d'origine latine qui aujourd'hui font partie du rйpertoire des suffixes franзais. Par consйquent, les multiples liens qui s'йtablissent entre les unitйs lexicales а une йpoque donnйe crйent les conditions linguistiques de l'йvolution du vocabulaire. Ainsi la synchronie se rattache intimement а la diachronie..

§ 3. Le vocabulaire en tant que systиme. Dans la sйrie hardiesse, audace, intrйpiditй, tйmйritй chacun des membres se distingue, par quelque indice sйmantique quf~eTr constitue l'individualitй et la raison d'кtre: hardiesse dйsigne une qualitй louable qui pousse а tout oser, audace suppose une hardiesse excessive, immodйrйe, intrйpiditй implique le mйpris du danger, tйmйritй rend l'idйe d'hardiesse excessive qui agit au hasard, et par consйquent, prend une nuance dйprйciativeA.

On peut prйvoir, sans risque de se tromper, que si encore un synonyme venait а surgir il aurait reзu une signification en fonction de celles de «ses prйdйcesseurs». Et, au con traire, il est probable que la disparition d'un des synonymes serait suivie de la modification sйmantique d'un des autres membres de la sйrie qui aurait absorbй la signification du synonyme disparu.,' '. •»'"

4iajis la diachronie les moindres modifications survenues а quelque vocable se font infailliblement sentir sur d'autres vocables reliйs au premier par des liens divers. Il est aisй de s'en apercevoir. Les modifications sйmantiques d'un mot peuvent se rйpercuter sur les mots de la mкme famille. Le mot habit voulait dire autrefois « йtat » — 'cocTOHHHe'; en prenant le sens de « vкtement » il a entraоnй dans son dйveloppement sйmantique le verbe habiller formй de « bille » — 'partie d'un arbre, d'un tronc prйparйe pour кtre travaillйe'; ' l'apparition des dйrivйs habilleur, habillement, dйshabiller est due а l'йvolution sйmantique du verbe. L'emploi particulier d'un mot peut йgalement avoir pour rйsultat la modification de sa signification. AinSj, par exemple, un mot qui se trouve constamment en voisinage d'un autre mot dans la parole peut subir l'influence sйmantique de ce dernier. Tels sont les cas des substantifs pas, point, de mкme que rien, personne, guиre qui ont fini par exprimer la nйgation sous l'influence de ne auquel ils йtaient rattachйs.

Il s'en suit que dans l'йtude du vocabulaire une importance particuliиre revient aux rapports rйciproques qui s'йtablissent entre les unitйs lexicales.

Le systиme du lexique, comme tout autre systиme, suppose l'existence d'oppositions. Ces oppositions s'appuient sur des rapports associatifs ou virtuels existant au niveau de la langue-systиme. Elles appartiennent au plan paradig-matique. Chaque unitй lexicale entretient, en effet, divers rapports associatifs avec les autres unitйs. Prenons l'exemple de F. de Saussure qui est celui du mot enseignement. A partir du radical enseignement est en rapport paradigmatique avec enseigner, enseignons, enseignant, etc.; envisagй sous l'angle sйmantique il s'associe а instruction, apprentissage, йducation, etc. L'ensemble des unitйs entretenant entre elles nelle permet au lexicologue de dйceler les facultйs comblna-toires des mots et de leurs йlйments constituants (constituants immйdiats, morphиmes, phonиmes).

L'analyse distributionnelle rejoint la mйthode contextuelle qui consiste dans la prйsentation des phйnomиnes linguistiques dans un contexte verbal dйterminй. Cette derniиre mйthode est largement utilisйe dans les rйcents ouvrages lexicographiques soucieux de fournir aux usagers un riche inventaire d'emploi des vocables afin d'en rendre plus tangibles les nuances sйmantiques et l'usage.

Vu que tout mot construit peut кtre transformй en une construction syntaxique la mйthode transformationnelle s'avиre utile lorsqu'on veut en prйciser le caractиre et le degrй de motivation. Par exemple, la transformation de jardinet — petit jardin nous autorise а affirmer que ce mot construit est motivй par le mot jardin qui en est la base dйriva-tionnelle; en plus, elle permet de constater le plus haut degrй de la motivation puisque les deux йlйments constituant le mot jardinet/jardin-et/soni suffisants pour en dйterminer le sens (le suffixe — et а valeur diminutive йquivalant sйmantiquement а 'petit'). Par contre, la transformation de graveur — personne qui grave, tout en nous renseignant sur le mot de base (graver), n'en йpuise pas la signification qui est « personne dont le mйtier est de graver » (cf. faucheur — « personne qui fauche »); ce fait signale une motivation infйrieure, dite idiomatique.

Il n'est pas toujours aisй d'йtablir la direction dйrivative pour deux mots qui supposent un rapport dйrivationnel. Tel est, par exemple, le cas de socialisme et socialiste. La mйthode transformationnelle permet, en l'occurrence, d'expliciter la direction dйrivative: socialiste devra кtre interprйtй comme йtant dйrivй de socialisme du fait que la transformation socialiste — partisan du socialisme est plus rйguliиre 1 que la transformation socialisme — doctrine des socialistes. Ainsi la mйthode transformationnelle rend un service aux lexicologues dans l'examen des rapports dйrivationnels existant au sein du vocabulaire.

Dans les йtudes portant sur le contenu sйmantique des vocables on fait appel а l'analyse componentielle (ou sйmi-que). Cette derniиre vise а dйceler les unitйs minimales de signification (composants sйmantiques, traits sйmantiques ou sиmes) d'une unitй lexicale (mot ou йquivalent de mot). L'analyse componentielle met en йvidence non seulement la structure profonde de la signification 1t mais aussi les rapports sйmantiques qui existent entre les vocables faisant partie des sйries synonymiques, des groupes lexico-sйmanti-ques, des champs syntagmatiques et autres groupements. Les mйthodes spйciales appliquйes en lexicologie visent а dйcrire de faзon plus explicite la forme et le contenu des unitйs lexicales, ainsi que les rapports formels et sйmantiques qu'elles entretiennent.

CHAPITRE II

Le mot.

§ 1. Le mot — unitй fondamentale de la langue.

Le mot est reconnu par la grande majoritй des linguistes comme йtant une des unitйs fondamentales, voire l'unitй de base de la langue. Cette opinion qui n'a pas йtй mise en doute pendant des siиcles a йtй rйvisйe par certains linguistes contemporains. Parmi ces derniers il faut nommer des reprйsentants de l'йcole structuraliste, et en premier lieu des linguistes — amйricains tels que Harris, Nida, Gleason, selon lesquels non pas le mot, mais le morphиme serait l'unitй de base de la langue. Conformйment а cette conception la langue se laisserait ramener aux morphиmes et а leurs combinaisons a.

Dans la linguistique franзaise on pourrait mentionner Ch. Bally qui bien avant les structuralistes amйricains avait dйjа exprimй des doutes sur la possibilitй d'identifier le mot. Son scepticisme vis-а-vis du mot perce nettement dans la citation suivante: « La notion de mot passe gйnйralement pour claire; c'est en rйalitй une des plus ambiguлs qu'on rencontre en linguistique » 9. Aprиs une tentative de dйmontrer les difficultйs que soulиve l'identification du mot Ch. Bally aboutit а la conclusion qu' « II faut… s'affranchir de la notion incertaine de mot ». En revanche, il propose la notion de sйmantиme (ou sиme) qui serait « un signe exprimant un* Idйe purement lexicale » *, et la notion de molйcule

L'asymйtrie qui est propre aux unitйs de la langue en gйnйral est particuliиrement caractйristique du mot. Cette asymйtrie du mot se manifeste visiblement dans la complexitй de sa structure sйmantique. Le mкme mot a le don de rendre des significations diffйrentes. Les significations mкmes contiennent des йlйments appartenant а des niveaux diffйrents d'abstraction. Ainsi, le mot exprime des significations catйgorielles: l'objet, l'action, la qualitй. Ces significations sont а la base de la distinction des parties du discours. A un niveau plus bas le mot exprime des significations telles que la nombrabilitй/la non-nombrabilitй, un objet inanimй/un кtre animй. A un niveau encore plus bas le mot traduit diverses significations lexicales diffйrencielles.

Notons encore que le mot constitue une rйalitй psychologique: c'est avant tout les mots qui permettent de mйmoriser nos connaissances et de les communiquer.

Ainsi, le mot est une unitй bien rйelle caractйrisйe par des traits qui Jui appartiennent en propre. Malgrй les diversitйs qui apparaissent d'une langue а l'autre le mot existe dans toutes les langues а ses deux niveaux: langue-systиme et parole. Les mots (et, ajoutons, les йquivalents de mots) constituent le matйriau nйcessaire de toute langue.

§ 2. Le mot (son enveloppe matйrielle) et la notion.

La linguistique marxiste reconnaоt l'existence d'un lien indissoluble entre la pensйe de l'homme et la langue. Dйjа K. Marx constatait que la langue est la rйalitй immйdiate de la pensйe, qu'elle est la « conscience rйelle, pratique ». « Les idйes, disait K. Marx, n'existent pas en dehors de la langue. » L'homme pense au moyen de notions qui se combinent en jugements, il communique sa pensйe а l'aide de mots qui s'agencent en propositions. Ces catйgories logiques et linguistiques 'apparaissent toujours dans leur liaison йtroite.

Notre pensйe ne trouve sa rйalisation que dans la 'matiиre, en l'occurrence, dans la matiиre sonore (ou graphique, son succйdanй) sous forme de mots et de propositions qui servent а rendre des notions et des jugements. On peut parler de notions pour autant qu'elles sont matйrialisйes sous forme de mots (ou d'йquivalents de mots). Ceux des linguistes ont tort qui affirment qu'il existe une pensйe abstraite non formulйe en paroles 1, que « toute pensйe, si simple soit-elle, est incommunicable dans son essence, la langue en donne une image schйmatique et dйformйe». Il faut donner raison а F. de Saussure 8 lorsqu'il dit que le son et la pensйe sont insйparables de la mкme maniиre que le recto d'une feuille de papier est solidaire du verso.

Permettons-nous encore cette comparaison trиs rйussie de H. Von Kleist: « L'idйe ne prйexiste pas au langage, elle se forme en lui et par lui. Le Franзais dit: l'appйtit vient en mangeant; cette loi empirique reste vraie quand on la parodie en disant: l'idйe vient en parlant ».

Le rфle des mots ne se borne pas а transposer la notion dans la forme verbale, mais а servir de mйdiateur actif et indispensable dans la formation de la notion, pour son devenir. Le mot participe lui-mкme а la formation de la notion.

D'aprиs la thйorie de la connaissance de V.I. Lйnine, — le mot et la notion prйsentent une unitй dialectique.

V.I. Lйnine dit que tout mot gйnйralise.

Examinons ce processus.

Dans quel rapport se trouvent le mot et la notion? Dans quel rapport se trouvent la notion et l'objet de la rйalitй?

Dans ses «Cahiers philosophiques» V.I. Lйnine rйpond а ces questions. Lйnine distingue deux degrйs de la connaissance.

Lepremier degrй consiste dans la sensation, dans la formation de perceptions et de reprйsentations а partir de la sensation. La sensation est le lien immйdiat entre la rйalitй, le monde extйrieur, et la conscience. La sensation sert de base а la perception et la reprйsentation. Le processus de perception s'effectue quand on perзoit directement un* objet par les sens. La perception, c'est l'ensemble des sensations produites par un objet. On peut se reprйsenter un objet sans, e percevoir directement, а l'aide de la mйmoire ou de l' magination. Alors on est en prйsence du processus de la reprйsentation. La reprйsentation, c'est l'image mentale de l'objet qui n'est pas perзu directement par ies sens. Ainsi, l'homme entre en contact avec la rйalitй par les sensations, les perceptions et les reprйsentations. Mais ce n'est que le commencement du processus de la connaissance.

Le deuxiиme degrй de la connaissance, c'est la gйnйralisation des phйnomиnes isolйs, la formation des notions (ou concepts) et des jugements.

Par la gйnйralisation thйorique, abstraite des perceptions et des reprйsentations, on forme des notions, des concepts. La notion, le concept fait ressortir les propriйtйs essentielles des objets, des phйnomиnes de la rйalitй sans en fixer les propriйtйs accidentelles.

Si nous regardons une riviиre nous la percevons; si nous nous souvenons plus tard de cette mкme riviиre, nous nous la reprйsentons. L'image concrиte de cette riviиre est, dans le premier cas, une perception, dans le deuxiиme — une' reprйsentation. En faisant ressortir les propriйtйs essentielles des riviиres en gйnйral, c'est-а-dire le courant de l'eau, avec ses deux rives naturelles (а l'opposй d'un canal), etc., nous formons une notion. La notion, le concept ce n'est plus une image mentale concrиte, c'est une abstraction, une gйnйralisation thйorique. Le mot riviиre s'unit а la notion « riviиre »; il sert а nommer non pas une riviиre dйterminйe, mais n'importe quelle riviиre, la « riviиre » en gйnйral, autrement dit, ce mot exprime la notion de « riviиre » gйnйralisйe, abstraite. Le mot gйnйralise principalement grвce а sa facultй d'exprimer des notions.

La notion (ou le concept) peut кtre rendue par des moyens linguistiques diffйrents: par des mots, des groupes de mots. C'est pourtant le mot, par excellence, qui sert de moyen pour exprimer la notion. La facultй d'exprimer des notions ou des concepts est une des caractйristiques fondamentales des mots et de leurs йquivalents.

Donc, le mot et la notion (ou le concept) constituent une unitй dialectique. Pourtant unitй ne veut pas dire identitй. De mкme qu'il n'y a pas d'йquivalence, voire, de symйtrie, entre la pensйe et la langue, il n'y a point d'identitй entre le mot et la notion. Un mot, prйcisйment son enveloppe matйrielle, peut кtre liй а plusieurs notions et, inversement, la mкme notion est parfois rendue par des mots diffйrents.

Il est nйcessaire de faire la distinction entre les notions de la vie courante, ou les notions coutumiиres, et les concepts а valeur scientifique. Ainsi, le mкme mot riviиre exprime tout aussi bien une notion coutumiиre qu'un concept scientifique. Le concept scientifique reflиte les propriйtйs vйritablement essentielles des objets et des phйnomиnes consciemment dйgagйs dans le but'spйcial de mieux pйnйtrer et comprendre la rйalitй objective.

Les concepts scientifiques sont exprimйs par les nombreux termes appartenant aux diverses terminologies.

La notion coutumiиre reflиte dans notre conscience 1 0 s propriйtйs distinctives essentielles des objets et des phйnomиnes. Les notions coutumiиres n'exigent pas de dйfinitions prйcises et complиtes au mкme titre que les concepts scientifiques qui veulent une extrкme prйcision. Dans son activitй journaliиre l'homme a surtout affaire aux notions coutumiиres qui servaient la pensйe humaine dйjа bien avant l'apparition des sciences. Aujourd'hui comme autrefois la plupart des mots d'un emploi commun expriment dans le langage principalement des notions coutumiиres.

Les notions coutumiиres de mкme que les concepts scientifiques se prйcisent et se perfectionnent grвce au processus universel de la connaissance de la rйalitй objective.

Les notions, les concepts peuvent кtre rйels et irrйels. Ils sont rйels а condition de reflйter les propriйtйs des objets et des phйnomиnes de la rйalitй objective. Tels sont: йlectricitй, atome, oxygиne, hydrogиne; matiиre, rйalitй, jugement, concept; science, mot, morphиme, prйfixe, suffixe; homme, sociйtй, enfant, etc. Les notions et les concepts irrйels sont aussi des gйnйralisations abstraites, mais ils ne reflиtent pas des objets et des phйnomиnes existants; tels sont: ange, diable, paradis, enfer, sorcier, panacйe, pierre philosophale, centaure, etc. Un grand nombre de ces notions a йtй crйй par la religion qui les prйsentait comme des concepts rйels et justes. Les notions et les concepts irrйels ne sont pourtant pas entiиrement dйtachйs de la rйalitй objective. Ils reflиtent des morceaux, des fragments de la rйalitй combinйs arbitrairement grвce а l'imagination. L'homme vйrifie la justesse et l'objectivitй de ses connaissances en se rйglant sur la pratique quotidienne. C'est la pratique quotidienne qui permet de distinguer ce qui est juste de ce qui est faux dans nos perceptions, nos reprйsentations, nos notions et jugements. Elle est la base du processus de la connaissance а son premier et son deuxiиme degrй. La pratique est le critиre suprкme de toute connaissance:

«De l'intuition vivante а la pensйe abstraite, et d'elle nature: elle se situe non plus au niveau lexical, mais au niveau grammatical de la langue. Certains mots-outils traduisent les rapports existant entre les notions et les jugements (tels sont les prйpositions, les conjonctions, les pronoms relatifs, les verbes auxiliaires copules), d'autres prйcisent en les prйsentant sous un aspect particulier les notions rendues par les mots qu'ils accompagnent (ainsi, les articles, les adjectifs possessifs et dйmonstratifs).

Signalons а part les termes modaux qui n'expriment pas de notions, mais l'attitude du sujet parlant envers ee qu'il dit, par exemple: йvidemment, probablement, peut-кtre, n'importe, etc.

Remarquons qu'aux yeux de certains linguistes * tout mot possйderait forcйment la fonction rationnelle. Ainsi, les noms propres de personnes et d'animaux rendraient la notion trиs gйnйrale de l'homme ou de l'animal (Mйdor serait toujours un chien, tandis que Paul, s'associerait rйguliиrement а l'homme). Les interjections ne traduiraient pas les йmotions du locuteur en direct, mais par le truchement des notions correspondantes (Pouah I rendrait l'idйe d'un grand dйgoыt tiens 1 — celle d'une surprise). Cette conception, qui ne manque pas d'intйrкt, fait toutefois violence aux phйnomиnes linguistiques.

Si l'on compare, quant а leur contenu sйmantique, les mots homme et Emile pris isolйment la diffйrence apparaоtra nettement. Le mot homme rendra effectivement la notion gйnйrale de « кtre humain douй d'intelligence et possйdant l'usage de la parole», il n'en sera rien pour Emile qui n'exprimera pas plus la notion d'« homme » que Mlnouche celle du « chat ». Donc, au niveau de la langue-systиme Emile et Minouche sont dйpourvus de la fonction rationnelle. Il en est autrement au niveau de la parole. C'est justement ici que les noms propres de personnes et d'animaux se conduisent а l'йgal des noms communs. En effet, les premiers, aussi bien que les derniers, exprimeront des notions particuliиres. (Cf. Jean viendra — Cet homme viendra)

Donc, les noms propres de personnes et d'animaux possйderont la fonction rationnelle (et, йvidemment, la fonction nominative) au niveau de la parole.

Aussitфt qu'un nom propre acquiert la facultй d'exprimer une notion gйnйrale (cf. un Harpagon, un Tartufe) il sera promu au rang des noms communs et deviendra un mot а fonction rationnelle au niveau de la langue.

Confrontons а prйsent pouah! et dйgoыt. Si dйgoыt rend bien une notion dйterminйe tout en la nommant, pouah 1 traduit en direct un sentiment, une йmotion causйe par un phйnomиne-dй la rйalitй. Tout comme les notions les йmotions reflиtent la rйalitй. Toutefois ces rйverbйrations йmotives se situent а un niveau infйrieur en comparaison de la notion. Donc, les interjections possиdent uniquement la fonction affective aux deux niveaux de la langue. C'est dans le fait que les interjections rendent nos sentiments et non pas des notions-qu'il faut chercher l'explication du caractиre souvent flottant, imprйcis de leur signification.

§ 3. La signification en tant que structure. La linguistique marxiste insiste sur la nйcessitй d'envisager la signification comme un des ingrйdients du mot.

Ceux des linguistes qui voudraient dйpouiller le mot de son contenu sйmantique, l'interprйter comme un phйnomиne purement formel ne tiennent pas compte de la fonction essentielle de la langue — celle de communication. C'est le cas dй certains structuralistes amйricains qui ont exclu la catйgorie de la signification de leurs recherches. Les йtudes purement formelles des phйnomиnes linguistiques prйsentent la langue d'une faзon tronquйe, incomplиte. Ainsi le renoncement а la signification cause de grands inconvйnients. Un linguiste, pour peu qu'il veuille connaоtre la nature des faits qu'il se propose d'йtudier, ne saurait se borner а l'examen du plan « expression » et devra pйnйtrer plus avant le plan « contenu ». Souvenons-nous des paroles de L. Tcherba; il disait que celui qui renonce 'а la catйgorie de la signification en tue ljвme. Plus rйcemment E. Benveniste a trouvй une autre image pour rendre la mкme idйe: « Voici que surgit le problиme qui hante toute la linguistique moderne, le rapport forme: sens que maints linguistes voudraient rйduire а la seule notion de forme, mais sans parvenir а se dйlivrer de son corrйlat, le sens. Que n'a-t-on tentй pour йviter, ignorer, ou expulser le sens? On aura beau faire: cette tкte de mйduse est toujours lа, au centre de la langue, fascinant ceux qui la contemplent ».

La linguistique franзaise n'est jamais allйe jusqu'а exclure de la langue la signification. Toutefois les termes «sens» •et «signification» du mot n'y ont pas reзu de dйfinition prйcise. Certains linguistes les emploient sans commentaire comme si ces notions ne soulevaient aucun doute; d'autres йludent consciemment le problиme. Il est connu que F. de Saussure « pour ne pas s'embrouiller dans toutes les controverses instituйes а ce sujet, avait prйfйrй ne pas faire allusion а la signification ou au sens des mots. Il avait parlй de « signifiй » et de « signifiant »...1

Dans la linguistique soviйtique le problиme n'a pas йtй seulement posй, mais largement йlaborй.

Les linguistes paraissent s'entendre pour attribuer а tout mot une signification soit* lexicale, soit grammaticale. On reconnaоt que les mots sont porteurs de significations grammaticales lorsqu'ils expriment des rapports entre les notions et les jugements ou bien quand ils servent а dйterminer les notions.3

Les linguistes conзoivent diffйremment la signification lexicale du mot.8

Il est йvident que la signification du mot n'est pas l'objet ni le phйnomиne auquel elle s'associe; ce n'est point une substance matйrielle, mais un contenu idйal. Il reste pourtant vrai que sans ces objets et phйnomиnes de la rйalitй les significations des mots n'existeraient pas. Cette thиse est йgalement valable pour les mots exprimant des notions rйelles et irrйelles.

La signification du mot n'est point non plus le lien entre l'enveloppe sonore d'un mot et les objets ou phйnomиnes de la rйalitй, quoique cette opinion soit assez rйpandue. Par lui-mкme ce lien entre l'enveloppe sonore des mots et les objets et phйnomиnes de la rйalitй ne peut expliquer la diversitй des significations.

Les linguistes soviйtiques estiment que la signification est avant tout une entitй idйale qui ne peut s'identifier avec quelque rapport. Il est toutefois indispensable d'en prйciser la nature.

Tout*«en reconnaissant la facultй gйnйralisatrice du mot on oppose parfois la signification а la notion, la premiиre йtant interprйtйe comme catйgorie linguistique et la seconde, comme catйgorie logique. Seuls les termes seraient susceptibles d'exprimer des notions, alors que la majoritй des mots exprimeraient des significations. En effet, la signification des termes se distingue de celle des mots non terminologiques par son caractиre scientifique et universel. Il n'en reste pas moins vrai que tout mot reflиte la rйalitй objective, qu'il soit un terme ou non. C'est pourquoi tout mot en tant que gйnйralisateur se rattache nйcessairement а la notion. On peut dire que la notion rendue par un mot constitue le composant fondamental de sa signification. Il est notoire que les notions (prйcisйment les notions coutumiиres) exprimйes par des mots correspondants appartenant а des langues diffйrentes ne coпncident pas toujours exactement, ce qui se fait infailliblement sentir sur la signification de ces mots.

§ 4. Le sens йtymologique du mot. Les mots motivйs et Immotivйs. Depuis longtemps les linguistes se sont affranchis de l'opinion simpliste qui rйgnait parmi les philosophes grecs antiques selon laquelle le mot, le « nom » appartient а l'objet qu'il dйsigne. Il est йvident qu'il n'y a pas de lien orga^ nique entre le mot, son enveloppe sonore, sa structure phonique et l'objet qu'il dйsigne. Pourtant le mot, son enveloppe sonore, est historiquement dйterminй dans chaque cas concret. Au moment de son apparition le mot ou son йquivalent tend а кtre une caractйristique de la chose qu'il dйsigne. On a appelй vinaigre l'acide fait avec du vin, tire-bouchon — une espиce de vis pour tirer le bouchon d'une bouteille. Un sous-marin est une sorte de navire qui navigue sous l'eau et un serre-tкte — une coiffe ou un ruban qui retient les cheveux. Il en est de mкme pour les vocables existant dйjа dans la langue, mais servant а de nouvelles dйnominations. Par le mot aiguille on a nommй le sommet d'une montagne en pointe aiguл grвce а sa ressemblance а une aiguille а coudre.

L'enveloppe sonore d'un mot n'est pas due au hasard, mкme dans les cas oщ 'elle paraоt l'кtre. La table fut dйnom mйe en latin « tabula » — 'planche' parce qu'autrefois une planche tenait lieu de table. Le mot latin « calculus » — 'caillou' servait а dйsigner le calcul, car, anciennement, on comptait а l'aide de petits cailloux.

La dйnomination d'un objet est basйe sur la mise en йvidence d'une particularitй quelconque de cet objet.

Il est aisй de s'apercevoir d'aprиs ces exemples que le sens йtymologique des mots peut ne plus кtre senti а l'йpoque actuelle.

En liaison avec le sens йtymologique des mots se trouve la question des mots motivйs et immotivйs sans qu'il y ait de parallйlisme absolu entre ces deux phйnomиnes.

Nous assistons souvent а la confusion du sens йtymologique d'un mot et de sa motivation. Toutefois le sens йtymologique appartient а l'histoire du mot, alors que la motivation en reflиte l'aspect а une йpoque donnй.

Tous les mots d'une langue ont forcйment un sens йtymologique, explicite ou implicite, alors que beaucoup d'entre eux ne sont point motivйs. Tels sont chaise, table, main, sieste, fortune, etc. Nous aurons des mots motivйs dans journaliste, couturiиre, alunir, porte-clй, laisser-passer, dont le sens rйel йmane du sens des йlйments composants combinйs d'aprиs un modиle dйterminй. La motivation de ces mots dйcoule de leur structure formelle, et elle est conforme а leur sens йtymologique. Il en est autrement pour vilenie dont la motivation actuelle est en contradiction avec le sens йtymologique puisque ce mot s'associe non plus а vilain, comme а l'origine, mais а vil et veut dire « action vile et basse. »

§ 5. Caractйristique phonйtique des mots en franзais moderne. Nous nous bornerons ici а noter certains traits caractйrisant les mots franзais quant а leur composition phonique et leur accentuation dans la chaоne parlйe.1

Les mots franзais sont caractйrisйs par leur briиvetй. Certains se rйduisent а un seul phonиme. Il s'agit surtout de mots non autonomes (ai, eu, on, est, /', d\ etc), les mots autonomes а un phonиme йtant exclusivement rares (an, eau).

Par contre, les monosyllabes sont trиs nombreux dans ces deux catйgories de mots (le, les, des, qui, que, mais, main, nez, bras, monte, parle, etc). Ces monosyllabes sont parmi les mots les plus frйquents.

L'analyse d'un certain nombre de textes suivis a permis de constater que les mots contenant une syllabe forment environ 61% et les mots а deux syllabes forment prиs de 25% de l'ensemble des mots rencontrйs. Cet йtat de choses est le rйsultat d'un long dйveloppement historique qui remonte а l'йpoque lointaine de la formation de la langue franзaise du latin populaire (ou vulgaire). Pour la plupart les monosyllabes sont le rйsultat des nombreuses transformations phonйtiques subies par les mots latins correspondants formйs de deux ou trois syllabes; cf.: homme < lat. « homo », main < lat. « manus », вme < lat. « anima ».

Le franзais possиde naturellement des mots а plusieurs syllabes; toutefois il y a visiblement tendance а abrйger; es mots trop longs auxquels la langue semble rйpugner (mйtropolitain > mйtro, stylographe > stylo, piano-forte > piano, automobile > auto, mйtйorologie < mйtйo; cf. aussi avion qui s'est substituera aйroplane, pilote а aviateur).

Cette tendance а raccourcir les mots, qui s'est manifestйe а toutes les йpoques, a pour consйquence un autre phйnomиne caractйristique du vocabulaire franзais — l'homonymie) Un grand nombre de mots a coпncidй quant а la prononciation а la suite de modifications phonйtiques rйguliиres.

C'est surtout parmi les monosylabes que l'on compte un grand nombre d'homonymes; cf.: ver <. lat. « verrais », vers (subst); lat. « versus », vers (prйp) < lat. « versus », vert < lat. « vendis-». — D'ici de nombreuses sйries d'homonymes: par, part, pars~; cher, chair, chaire ', air, иre, aire, hиre, erre (il), etc. A la suite de l'homonymie le mot perd de son autonomie. Toutefois les distinctions sйmantiques et grammaticales des homonymes trouvent un support dans l'orthographe (а l'exception des cas d'homographie: goutte, gouttй), qui rend un service incontestable, en prenant dans l'йnoncй йcrit une importance particuliиre. Grвce а l'orthographe et au contexte l'homonymie ne prйsente point de sйrieux inconvйnient ainsi que le pensent certains linguistes qui qualifient ce phйnomиne naturel de pathologique l. En rйalitй les homonymes se laissent facilement identifier et les cas de confusion dans-la parole sont pratiquement rйduits а zйro. Lа, oщ la confusion est possible « il suffit de faire intervenir dans les йnoncйs… une modification minimale pour que leur signification se trouve prйcisйe ». s Ainsi, en franзais nous avons:

L'association des maires de France,

L'association des mиres de France, etc. Or, pour йchapper а l'ambiguпtй, il suffit de dire dans le deuxiиme cas:

L'association des mиres franзaises,. etc. » 8

Quant а la syllabation des mots franзais elle est reconnue comme йtant remarquablement uniforme et simple. Ce sont les syllabes ouvertes qui forment prиs de 70% dans la chaоne parlйe. Surtout frйquentes sont les syllabes ouvertes du type consonne-voyelle (par exemple: [a-vi-za-se] — envisager, \ ede-pв-dв] — indйpendant), moins nombreuses sont les syllabes des types consonne-consonne-voyelle et voyelle (par exemple: [blй-sel — blesser, [tru-ble] — troubler, [e-ku-te] — йcouter). Parmi les syllabes fermйes on rencontre surtout le type consonne-voyelle-consonne (par exemple: [sur-nal] — journal, [par-tir] — partir). Les autres types sont rares. * Cette particularitй de la structure syllabique des mots franзais contribue а son tour а l'homonymie.

Le mot franзais peut commencer par n'importe quelle consonne, toutefois les semi-consonnes initiales [j] [w] [uj

,sont rares; de mкme que le h «aspirй» (haine, haпr, haricot, haie, onze, un (nom de nombre, etc).

On ne compte qu'un certain nombre de mots commenзant par [z] (zиbre, zйro, zinc, zone, zoo), par un [t]] dans l'argot ou le langage familier (gnaule, gnaf, gnouf).

Relativement peu nombreuses aussi sont les combinaisons de consonnes au dйbut du mot. Ce sont, au cas йchйant, des groupes de deux consonnes dont le premier йlйment est une occlusive [p], [t], [k], [b], [dl, [g] ou une spirante labiale [f], [v] suivie d'une liquide [1], [r] ou d'une semi-voyelle [w],

lj], luJ-

Ce sont aussi les combinaisons initiales comportant trois consonnes dont une liquide et une semi-voyelle: [prw], [plw], [plq], [trw], [trq], [krw], [krq], etc.

Les autres combinaisons de deux ou de trois consonnes aussi bien au dйbut qu'а l'intйrieur du mot sont rares (pneumatique, phtisie, stress, strident, strapontin, esclandre, escrime), apparaissant, comme rиgle, dans des mots d'emprunt.

Quant aux voyelles le franзais rйpugne aux hiatus а l'Intйrieur des mots (cf. apprйhender, mйandre), il est exempt de diphtongues.

Notons aussi le service rendu par les phonиmes dans la distinction des vocables diffйrents.

A. Sauvageot souligne le rфle exclusif de la consonne initiale dans la diffйrenciation des mots. « II arrive, dit-il, qu'une mкme voyelle fournisse presque autant de vocables qu'il y a de consonnes pour la prйcйder: pont/ ton/ bon/ don/ gond/ fond/ font/ vont/ long/ mont/ nom/ rond/ sont/ son/ jonc/, etc. »

La voyelle aussi a une valeur diffйrencielle trиs impor tante. Dans le schйma consonnantique. p-r selon la voyelle on a: „

par, part

port, porc, pore

pour

pиre, paire, pair

peur

pur

Telles sont а grands traits les possibilitйs combinatoires des phonиmes franзais.

Dans la langue russe les mots dans la chaоne parlйe sont gйnйralement marquйs de l'accent tonique, ce c [ui facilite leur dйlimitation. Il en est autrement pour le franзais oщ les mots phonйtiquement se laissent difficilement isoler dans le discours; privйs de l'accent tonique propre, ils se rallient les uns aux autres en formant une chaоne ininterrompue grвce aux liaisons et aux enchaоnements. On dйgage, en revanche, des groupes de mots reprйsentant une unitй de sens et qui sont appelйs « groupes dynamiques ou rythmiques » avec un accent final sur la derniиre) voyelle du groupe.

Cette particularitй de l'accentuation fait que le mot franзais perd de son autonomie dans la chaоne parlйe. La dйlimitation phonйtique des mots йmis dans la parole en est enrayйe. Ceci explique les modifications de l'aspect phonйtique survenues а certains mots au cours des siиcles. Les uns se sont soudйs avec les mots qui les prйcйdaient, dont l'article dйfini; c'est ainsi que ierre est devenu lierre, endemain — lendemain, nette — luette, oriot-loriot; d'autres, au contraire, ont subi une amputation: lacunette (=petit canal) s'est transformй en la. cunette car on a pensй а l'article prйcйdant un substantif; de mкme ni1 amie a йtй perзu comme ma mie et l'agriotte comme la griotte (dans l'argot).

Toutefois il serait abusif d'insister sur l'absence totale de limites entre les mots dans la chaоne parlйe en franзais. En effet, certains indices phonйtiques contribuent а dйgager les mots dans le discours. Ainsi, par exemple, le son [z] qui apparaоt dans les liaisons signale la jointure entre deux mots. Il en est de mкme de l'hiatus qui, comme nous l'avons signalй, est rare а l'intйrieur du mot, mais assez rйgulier а la limite des mots.1 Un indice important est l'йventualitй d'une pause en fin de mot dans la chaоne parlйe.

§ 6. Caractйristique grammaticale du mot en franзais moderne. Les unitйs essentielles de — la langue йtroitement liйes l'une а l'autre sont le mot et la proposition. Les mots acquiиrent dans la proposition une force particuliиre en tant qu'йlйment de la communication. C'est en se groupant en propositions d'aprиs les rиgles grammaticales que les mots manifestent leur facultй d'exprimer non seulement des notions, des concepts, mais des idйes, des jugements. Dans la proposition les mots autonomes remplissent les fonctions de diffйrents termes, dits termes de la proposition (du sujet, du verbe, du complйment, etc), tandis que les mots non — autonomes йtablissent des rapports\variйs entre les termes ou les parties de la proposition. La facultй de former des propositions afin d'exprimer des. jugements constitue une des principales caractйristiques grammaticales des mots. “i Une autre particularitй du mot consiste dans ce qu'il appartient а une des parties du.. discours.. Ainsi, on distingue les substantifs, les adjectifs, les adverbes, les verbes, les pronoms, etc. Les parties du discours sont йtudiйes par la grammaire: elles constituent la base de la morphologie. C'est а partir des propriйtйs des parties du discours que la grammaire crйe les rиgles des groupements de mots, les rиgles qui sont le produit d'un long travail d'abstraction de la mentalitй humaine. Il serait pourtant faux de traiter les parties du discours de catйgories purement grammaticales. En effet, les parties du discours se distinguent les unes des autres par leur sens lexical: les substantifs dйsignent avant tout des objets ou, des phйnomиnes, les verbes expriment des actions ou des йtats; les adjectifs — des qualitйs, etc. C'est pourquoi il serait plus juste de nommer les parties du discours catйgories lexico-grammaticales.

La composition morphйmique des mots est aussi йtudiйe par la grammaire, pourtant elle a un intйrкt considйrable pour la lexicologie. La facultй du mot de se dйcomposer en morphиmes prйsente une des caractйristiques grammaticales du mot qui, en particulier, le distingue du morphиme. Ce dernier, йtant lui-mкme la plus petite unitй significative de la langue, ne peut кtre dйcomposй sans perte de sens. Ainsi, le mot amener comporte trois morphиmes: a-tnen-er, mais on ne peut plus dйcomposer ces derniers en plus petites unitйs significatives. On peut seulement en dйterminer la structure phonique, en isoler les phonиmes. Les phonиmes ne possиdent point de sens propre, ils ne servent qu'а distinguer les morphиmes: (cf.: amener et emmener; mener et miner). Ce sont principalement les mots autonomes qui se laissent dйcomposer en morphиmes. Quant aux mots-outils, dont beaucoup se rapprochent а certains йgards des morphиmes, ils constituent gйnйralement un tout indivisible.

Parmi les mots autonomes, il y en a de simples qui sont formйs d'une seule racine. Tels sont: homme, monde, terre, ciel, arbre, table, porte, chambre, etc. Ces mots pourraient кtre aussi appelйs « mots-racines ». Plus souvent les mots contiennent une ou plusieurs racines auxquelles se joignent des affixes (les prйfixes placйs avant et les suffixes placйs aprиs la racine) et les terminaisons (ou dйsinences). On dis — lingue encore le thиme (ou le radical), c'est-а-dire la partie du mot recelant le sens lexical et prйcйdant la terminaison. Ainsi, dans l'exemple: Nous dйmentons les calomnies des fauteurs de guerre, le mot dйmentons comprend la racine — ment-, le prйfixe dй-, le thиme dйment-, la terminaison — ons. La racine recиle le sens lexical fondamental du mot. Le thиme qui comporte tout le sens lexical du mot s'oppose а la dйsinence qui est porteur d'un sens grammatical.

Dans le franзais moderne le thиme apparaоt exclusive-, ment dans la conjugaison des verbes qui ont conservй jusqu'а prйsent des traits de l'ancien synthйtisme, tandis que dans les nominaux, depuis la destruction, du systиme de dйclinaison, le thиme ne se laisse plus dйgager, il coпncide avec le mot. Les finales des substantifs et des adjectifs telles que animal — animaux, paysan — paysanne; blanc — blanche, fin — fine ne sont plus des dйsinences mais de simples alternances phoniques а valeur grammaticale.

Dans les travaux des linguistes franзais le terme « thи me » s'emploie encore pour dйsigner la partie du mot а la — . quelle s'applique l'un ou l'autre affixe servant а former ce mot. Il serait plus exact de nommer cette partie du mot thиme de formation (ou «base formative»), afin de la dis tinguer du « thиme » proprement dit qui s'oppose а la dйsi nence а valeur grammaticale. Ainsi, par exemple, dans ac climatation le thиme de formation est prйsentй par la partie acclimat — а laquelle s'applique le suffixe — ation. Les thиmes de formation peuvent кtre ou non en corrйlation avec des mots indйpendants. Ils sont respectivement appelйs libres comme dans refaire, laitiиre, cache-nez (cf. faire, lait, cache, nez) et liйs comme dans fracture, bibliothиque (cf. fraction; biblio phile; filmothиque). A l'encфntre du «thиme», «le thиme de formation » ne, recиle guиre, comme rиgle, tout le sens lexical du mot. '»ff' • '

Les affixes appliquйs au thиme de formation peuvent tout simplement en modifier le sens. Tels sont les cas de jardinet, maisonnette, refaire. Plus souvent les rapports sйmantiques entre le thиme de formation et l'affixe sont plus compliquйs; dans ces derniers cas, on crйe des mots qui se distinguent essentiellement par leur sens du thиme de — for-mation. Ainsi le mot Franзais (m) n'exprime point une espиce de France, mais un habitant de ce pays; une laitiиre n'est pas une sorte de lait, mais une femme qui vend ce produit.

Donc, les affixes peuvent confйrer aux mots qu'ils for tique et ne servent qu'а former les variantes, grammaticales dкsverbes, _ce qui nous autorise а les qualifier de morphиmes. — Il n'est ^вrTois pas moins difficile d'йtablir'les., limites. entre un mot et un groupe de mots. Parmi les linguistes soviйtiques qui ont traitй le problиme du mot et ses limites, il faut nommer tout d'abord le professeur A.I. Smirnitsky. Il a dйmontrй de faзon probante que le mot est caractйrisй par une intйgritй sйmantique et formelle. Toutefois, l'intйgritй sйmantique qui se traduit par la facultй d'exprimer une notion, un concept, caractйrise non seulement les mots, mais aussi bien les groupes de mots. Il en est autrement pour l'intйgritй formelle qui appartient en propre aux mots et sert, par consйquent, de vйritable critиre distinctif. '

_ Pour la plupart, les mots se laissent aisйment distinguer des groupes de mots; tel est le cas des mots simples ou mots-racines et des mots dйrivйs formйs par l'adjonction d'af-fixes. La distinction des mots composйs, qui par leur structure se rapprochent le plus des groupes de mots, prйsente de sйrieuses difficultйs. Celles-ci sont surtout grandes dans la langue franзaise oщ les mots cb'mposйs sont souvent formйs d'anciens, groupes de mots.

En appliquant а la langue franзaise le critиre avancй par le professeur A.I. Smirnitsky, on devra reconnaоtre que les formations du type fer а repasser, chemin de fer% pomme de terre sont, contrairement а l'opinion de la plupart des linguistes franзais, des groupes de mots, tandis que bonhomme^ basse-cour, gratte-ciel sont des mots.

Donc,, il faut faire la distinction entre un mot et un morphиme, d'un cфtй, un mot et un groupe de mots, de l'autre 1 II reste fort а faire pour fixer les limites du mot; c'est un problиme ardu qui exige un examen spйcial pour chaque langue.

§ 7. L'identitй du mot. Envisagй sous ses aspects phonйtique, grammatical et sйmantique le mot prйsente un phйnomиne complexe. Pourtant dans l'йnoncй, dans chaque cas concret de son emploi, le mot apparaоt non pas dans toute la complexitй de sa structure, mais dans une de ses multiples formes, autrement dit, dans une de ses variantes.

Comment savoir si nous avons affaire а des mots distincts ou aux variantes d'un seul et mкme mot? De mкme que pour les mots diffйrents les variantes admettent des distinctions d'ordre matйriel (l'enveloppe sonore) et d'ordre idйal (le sens). Toutefois ces distinctions matйrielles et idйales ne sont possibles que dans une certaine mesure, dans un cadre dйterminй. Pour les variantes ces distinctions ne seront que partielles et ne dйtruiront jamais l'intйgritй du mot.

Quelles sont donc les variantes possibles d'un mot?

Ce sont:

-les variantes de prononciation: [mitinl et [miteg] pour meeting, iby] et [byt] pour but, [u] et [ut] pour aoыt, [mњ: r] et [moers] pour mњurs, [egzal et [egzakt] pour exact, [k5ta] et [kфtakt] pour contact; — les variantes grammaticales:

dors, dormons, dormez; — les variantes pseudo-formatiyes (lexico-grammaticales): maigrichon et maigriot, maraude et maraudage; — les variantes lexico-sйmantiques:

notionnelles: palette — « plaque sur laquelle les pein tres йtalent leurs couleurs » et « coloris d'un peintre »;

notionnelles-affectives: massif — « йpais, pesant », au figurй esprit massif — « grossier, lourd »; moisir — « cou vrir d'une mousse blanche ou verdвtre qui marque un commen cement de corruption », au figurй moisir quelque part — « de meurer inutile, improductif »;

-les variantes stylistico-fonctionnelles:

а support phonique: oui — littйraire et ouais — po pulaire, aristocrate — littйraire et aristo — familier;

а support notionnel-affectif: marmite — «rйcipient»

littйraire et « gros obus» — familier;

les variantes orthographiques: gaоment et gaiement, soыl et — saoul.

Il est а noter,que les modulations grammaticales et stylistico-fonctionnelles n'attaquent jamais l'intйgritй du mot. Dans j'ai dormi et je dormirai nous avons le mкme verbe dormir malgrй l'opposition des temps.

Il en est autrement pour les modulations phoniques et notionnelles. Des distinctions phoniques ou notionnelles radicales amиneraient а l'apparition de mots diffйrents. En effet, malgrй l'identitй de leur aspect phonique calcul — « opйration arithmйtique » et calcul — « concrйtions pierreuses » sont deux mots du fait que les notions qu'ils expriment n'ont rien de commun. Les termes thиme et radical а sonoritй diffйrente sont des mots distincts malgrй l'identitй de leur valeur sйmantique. Pour qu'il y ait variantes d'un mкme mot il ne doit pas y avoir d'interdйpendance

entre les modulations dans leur enveloppe sonore et leur valeur notionnelle, mais il suffit d'avoir en commun quelque trait fondamental quant а l'aspect phonique et la valeur notionnelle. Pour l'aspect phonique cette communautй se traduit par la prйsence dans les variantes de la mкme racine qui constitue la base de la structure matйrielle du mot. La communautй notionnelle consiste dans le lien qui s'йtablit entre les divers sens du «mot.

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